Une invitation de la Ligue des Etats arabes : nous sommes heureux de vous inviter à assister à la « Conférence International de solidarité avec les prisonniers arabes et palestiniens dans les prisons de l’occupation israélienne », initiée par la Ligue des Etats arabes et acueillie par la République de l’Irak, qui se tiendra les 11 et 12 décembre, à Bagdad.
Traduction pour le BRussells Tribunal par Miguel António Domingues
La Ligue arabe a récemment invité un nombre de personnalités arabes et étrangères à assister à une conférence internationale sur les prisonniers palestiniens et autres prisonniers arabes détenus dans les prisons israéliennes. La Ligue arabe a annoncé que la conférence sera ouverte dans la capitale irakienne, Bagdad, le 11 décembre 2024, par le « président Jalal Talabani, son homologue palestinien Mahoud Abbas et le Secrétaire général de la Ligue arabe Nabil Al-Arabi », et que cette conférence « abordera les statuts des prisonniers et détenus palestiniens et arabes selon le droit international, l'état des prisons et tribunaux israéliens et les conditions inhumaines faites aux prisonniers ».
Nous, soussigné, appelons au boycott de cette conférence et refusons que l'on se serve de la détresse des palestiniens et autres prisonniers et détenus des prisons israéliennes pour blanchir le système du parti Dawa en Irak, dirigé par le premier ministre Nuri al-Maliki. Il est actuellement connu que l'Irak, sous le régime d'al-Maliki, occupe l'une des plus hautes positions sur l'échelle internationale de la corruption, de la répression et des violations des droits de l'homme, et en particulier des effrayantes arrestations de masses, de la torture et des exécutions. Il est rare qu'un mois se passe sans que l'une des organisations internationales connues pour la défense des droits de l'homme ne condamne directement ou indirectement les crimes commis contre les prisonniers irakiens, citant des exemples et des détails. Elles signalent que le régime se sert de « l'article 4 sur le terrorisme » comme d'un prétexte pour arrêter des journalistes, des activistes et intimider les intellectuels tandis qu'il se sert des millions de dollars de rente pétrolière pour acheter les appuis et les médias.
Si l'on suppose que les invités sont convaincus que la détresse des palestiniens prime sur la tragédie irakienne et que le pragmatisme a besoin de s'opposer au régime sioniste ; et si on accepte la perspective de transiger petit à petit sur ces questions, nous demandons ici : Qu'en est-il de la détresse des palestiniens en Irak ? Quelle est la position de la Ligue arabe et de l'autorité palestinienne sur le déplacement, la disparition, la détention et la torture des palestiniens en Irak depuis l'occupation de 2024 jusqu'à aujourd'hui ? Comment pouvons-nous justifier le silence fait sur la criminalisation des palestiniens qui les a forcés à vivre la Nakba pour une seconde et une troisième fois ? Les membres d'organisations internationales de défense des droits de l'homme qui assisteront à la conférence demanderont-il comment le gouvernement Maliki traite-t-il les 462 détenus de pays arabes gardés dans les centres de détentions du parti Dawa dont 40 prisonniers palestiniens inculpés pour « terrorisme » sans accès ni à des avocats ni à un procès équitable ? Les invités parleront-ils du sort des 22 palestiniens qui ont fui en Irak et ont fini sur un bateau avec un groupe de réfugiés qui naviguait depuis l'Indonésie jusqu'aux côtes australiennes lorsqu'il fut perdu après minuit le 29 juin 2024 ? Les invités de la conférences seront-ils tenus au courant de la campagne d'éradication de la présence palestinienne en Irak, y compris pour ceux qui sont nés à Bagdad, y ont grandi et étudié avant de s'y marier ?
La liste des martyrs palestiniens disparus et prisonniers dans le « nouvel Irak » est longue. Il faudrait y ajouter la souffrance des familles palestiniennes vivant dans les camps suite à leur déplacement forcé loin de leurs demeures, de leurs lieux de travail et des écoles de leurs enfants, sujettes aux attaques répétées, aux rafles et aux insultes sectaires. Qu'en est-il des nombreux détenus palestiniens que l'on a fait défiler comme « terroristes » le 16 mai 2024 sur le programme « Les yeux vigilants » de la télévision officielle irakienne ?
Les crimes de l'État sioniste contre le peuple palestinien, spécialement envers les prisonniers et détenus, peuvent être comparés aux crimes similaires du régime du « nouvel Irak » envers le même peuple. Ils montrent une similitude manifeste. Pas un jour ne passe sans que des citoyens, hommes, femmes ou enfants, ne soient arrêtés pour terrorisme et violence. Pas un jour sans que des citoyens ne disparaissent sans que personne ne connaisse leur sort ou leur lieu de détention. Des centaines de citoyens, dont des femmes, attentent leur exécution sans que leurs noms soient déclarés, pas plus que les charges qui pèsent contre eux ou que les noms de leurs avocats et de leurs juges.
En tant qu'intellectuels irakiens, palestiniens et d'autres pays arabes, nous saluons le courage des prisonniers palestiniens des geôles israéliennes, hommes et femmes inébranlables, enfants grandis prématurément qui gardent leur liberté de conscience et d'âmes. Ils lèguent, au travers de leurs grèves de la faim et de leurs autres actions, des repères indélébiles pour la dignité humaine. Et nous savons parfaitement que ces prisonniers ne méritent pas que leur noble cause soit utilisée dans une conférence qui ne contribue qu'à couvrir les actes terroristes du régime irakien contre ses propres citoyens et leurs frères palestiniens.